200 millions de dollars pour développer des thérapies géniques contre la drépanocytose et le virus du sida à l’échelle mondiale

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Le NIH (National Institutes of Health) prévoit d’investir au moins 100 millions de dollars au cours des quatre prochaines années pour relever un pari ambitieux : développer des thérapies géniques à des coûts abordables contre la drépanocytose ou anémie falciforme (AF) et le VIH. La Fondation Bill & Melinda Gates consacrera également 100 millions de dollars à la poursuite de cet objectif. Il s’agit de rendre ces traitements accessibles partout dans le monde, même dans les pays à faibles ressources.

Cette initiative fait suite à une déclaration audacieuse du president américain Donald J. Trump il y a quelques mois à l’occasion de son discours sur l’état de l’Union, qui a indiqué vouloir éliminer l’épidémie de VIH aux États-Unis d’ici 10 ans. Ending the HIV Epidemic: A Plan for America s’est donné pour objectif d’exploiter les données et outils puissants dont nous disposons aujourd’hui pour réduire de 75 % le nombre de nouveaux cas de VIH diagnostiqués aux États-Unis en cinq ans, et de 90 % d’ici à 2030. L’administration Trump s’est également intéressée de plus près à la drépanocytose, qu’elle a identifiée comme un énorme défi de santé qui pourrait bien connaître des avancées spectaculaires au cours des prochaines années.

D’énormes progrès réalisés dans le domaine de la génétique au cours des dix dernières années ont permis de faire de l’efficacité des thérapies géniques une réalité, notamment avec l’émergence de nouveaux traitements contre la cécité et certains types de leucémie. Ces avancées importantes restent néanmoins largement inaccessibles pour une majorité de personnes dans le monde en raison de la complexité et du coût des traitements, ce qui ne permet aujourd’hui d’y avoir accès que dans les hôpitaux des pays riches. Si nous voulons rendre ces traitements efficaces et accessibles dans le cadre de la lutte contre l’AF et le VIH, qui frappent disproportionnellement les populations vivant en Afrique ou étant originaires d’Afrique, de nouveaux investissements sont nécessaires pour concentrer les efforts de recherche sur le développement de traitements curatifs dont la distribution serait sûre, efficace et à bas coût dans les pays à faibles ressources.

La collaboration entre le NIH et la Fondation Bill & Melinda Gates a pour but de relever le défi ambitieux de développer des thérapies géniques sûres, efficaces et pérennes en vue de procéder à des essais cliniques aux États-Unis et dans les pays concernés en Afrique subsaharienne au cours des sept à dix prochaines années. À terme, l’objectif est de développer ces traitements à grande échelle et de les implémenter dans les régions du monde les plus touchées par ces maladies.

« Par cette collaboration sans précédent, nous concentrerons nos efforts dès le depart sur l’accès, la mise à l’échelle, et l’accessibilité financière des thérapies géniques avancées de lutte contre la drépanocytose et le VIH afin de veiller à ce que toute personne, partout dans le monde, ait la possibilité de suivre un traitement, et pas seulement dans les pays à hauts revenus », a déclaré le Directeur du NIH Francis S. Collins (M.D., Ph.D). « Il faut frapper fort ou rester chez soi. »

Cette collaboration permettra d’aligner des efforts de recherche considérables et extrêmement rentables pour progresser plus rapidement sur les stratégies génétiques communes de lutte contre la drépanocytose et le VIH. En parallèle, les deux organisations continueront d’investir en dehors de cette collaboration dans d’autres projets de recherche sur des traitements contre l’AF et le VIH.

« Au cours des dernières années, les thérapies géniques ont révolutionné le traitement des maladies génétiques rares et des maladies infectieuses, » a indiqué Trevor Mundel (M.D., Ph.D), président du Programme de Santé mondial de la Fondation Bill & Melinda Gates. « Si ces traitements sont porteurs d’espoir, les populations des pays à revenus faibles ou intermédiaires n’ont pas accès à ces avancées. Notre objectif est de travailler en collaboration avec le NIH et des scientifiques dans toute l’Afrique afin de veiller à ce que ces approches améliorent les conditions de vie des personnes qui en ont le plus besoin et à ce que cette incroyable promesse que représente la thérapie génique devienne une réalité pour le monde de la santé publique. »

L’AF et le VIH sont un fardeau considérable pour la santé des communautés à faibles ressources dans le monde entier. Environ 95 % des 38 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde se trouvent dans des pays en développement. Parmi elles, 67 % résident en Afrique subsaharienne, dont la moitié ne bénéficient d’aucun traitement. On estime à quinze millions le nombre naissances de bébés souffrant d’AF dans le monde au cours des 30 prochaines années, dont 75 % de naissances en Afrique subsaharienne. Parmi les nouveaux-nés souffrant d’AF dans les pays à faibles revenus, 50 à 90 % mourront avant leur cinquième anniversaire et l’AF est considérée comme la cause sous-jacente de la mort d’un nouveau-né sur 12 en Afrique subsaharienne.

Détails de la collaboration

La collaboration s’articulera autour de deux domaines :

  • Premièrement, identifier les meilleurs candidats parmi les traitements contre l’AF et le VIH pour une évaluation pré-clinique et clinique, co-financée par le NIH et la Fondation Bill & Melinda Gates
  • Deuxièmement, définir les perspectives de collaboration à long terme avec les partenaires africains pour faire évoluer ensemble les meilleurs candidats vers des essais cliniques en phase avancée, le financement évoluant en fonction des progrès observés

Bien que l’AF, une maladie héréditaire, et le VIH, une maladie infectieuse acquise, présentent des défis scientifiques très différents, les thérapies géniques représentent un espoir pour le traitement de ces deux maladies et impliqueront probablement de nombreux défis techniques communs.

Pour atteindre les objectifs de cette collaboration, les deux projets nécessiteront de nouveaux systèmes d’administration qui permettent aux thérapies envisagées d’atteindre les bons endroits du corps et optimisent les traitements en vue d’un ciblage efficace et spécifique des cellules impliquées dans ces maladies respectives. Pour l’AF, cela impliquerait de réparer ou de compenser les mutations de l’hémoglobine qui entraîne l’AF dans les cellules souches hématopoïétiques. Dans le cas du HIV, il s’agirait de cibler le réservoir d’ADN proviral qui se cache encore dans un nombre restreint de cellules, même après de nombreuses années de traitement antirétroviral efficace.

De tels traitements qui agissent entièrement à l’intérieur du corps, également appelés traitements in vivo, constitueraient un pas de géant par rapport aux traitements actuels, qui appliquent des thérapies génétiques à des cellules extraites du corps (ex vivo), puis réinjectées.

« La drépanocytose et le VIH sont en train de hypothéquer en grande partie l’avenir de l’Afrique, » a regretté Matshidiso Moet (M.B., M.Sc.), Directeur du Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé pour l’Afrique. « Vaincre ces maladies demandera des idées nouvelles et un engagement à long terme. Je me réjouis de la naissance de cette collaboration innovante annoncée aujourd’hui, qui a toutes ses chances de contribuer à aider à surmonter deux des défis les plus importants pour l’Afrique en matière de santé publique. »

AF

L’objectif de la collaboration concernant l’AF est de développer une thérapie génique facile à administrer permettant soit de corriger les mutations génétiques de l’AF, soit de favoriser l’expression du gène de l’hémoglobine fœtale pour obtenir une fonction normale de l’hémoglobine. Le chemin vers un traitement dépendra en partie du développement des systèmes d’administration de thérapies géniques capables de cibler exclusivement les cellules souches hématopoïétiques. Cela permettra de corriger avec précision les mutations génétiques ou d’ajouter un gène pour favoriser des niveaux suffisants d’expression et de fonctionnement de l’hémoglobine normale.

« Notre enthousiasme vis-à-vis de ce partenariat ne repose pas uniquement sur la possilité qu’il offre d’exploiter l’expertise de deux organisations pour réduire le taux de mortalité infantile dans les pays à faibles revenus, mais également de donner accès à des traitements curatifs de la drépanocytose et du VIH à des communautés qui ont été durement touchées par ces maladies pendant plusieurs générations, » a indiqué Gary H. Gibbons (M.D.), Directeur du National Heart, Lung, and Blood Institute (NHLBI) qui est rattaché au NIH. « La santé d’une personne ne devrait pas dépendre de son lieu de résidence, qu’il s’agisse d’une région rurale des États-Unis ou de l’Afrique subsaharienne ; il est nécessaire d’exploiter le pouvoir de la science pour dépasser les frontières et améliorer la santé pour tous. »

Des efforts supplémentaires sont par ailleurs nécessaires pour comprendre le fardeau que représente l’AF en Afrique subsaharienne et soumettre les nouveaux-nés à un dépistage de l’AF dans les zones géographiques à haut-risque. Le NHLBI a déjà commencé à mettre en place une infrastructure de recherche clinique en Afrique subsaharienne. Cependant, des efforts supplémentaires seront nécessaires en matière de recherche clinique et de renforcement des capacités afin d’offrir des services de dépistage sur place, par exemple au moment où les nourrissons se font vacciner, et d’établir un protocole de soins. Ces activités seront entreprises par le NIH et la Fondation Bill & Melinda Gates en dehors de leur collaboration, mais viendront appuyer les efforts déployés dans le cadre de leur partenariat.

VIH

Près de 38 millions de personnes à travers le monde vivent avec le VIH, le SIDA étant responsable à lui seul en 2018 de 770 000 décès. Comme l’AF, le VIH représente un risque disproportionné pour les populations d’Afrique subsaharienne. Les traitement antirétroviraux sont extrêmement efficaces et ont permis aux personnes de vivre longtemps et en bonne santé avec le VIH, sans transmettre la maladie à leurs partenaires sexuels. Cependant, le traitement doit être pris à vie. Un traitement à moindre coût, sûr, efficace et pérenne permettant d’éviter la réinfection par voie sexuelle a longtemps été un objectif pour enrayer la pandémie mondiale de VIH.

Plusieurs approches seront envisagées pour atteindre l’objectif d’un traitement contre le VIH à grande échelle. La Fondation Bill & Melinda Gates et le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), rattaché au NIH, financent déjà la recherche d’un traitement, en explorant les thérapies géniques de concert avec d’autres thérapies à action prolongée, des anticorps monoclonaux et d’autres cibles immunologiques. Cette collaboration permettra aux partenaires d’intensifier et de mieux coordonner les efforts de recherche actuels sur ces stratégies, en évoluant rapidement vers des essais cliniques en phase précoce pour tester sans risque des outils et traitements prometteurs. Une approche particulièrement séduisante consiste à identifier le réservoir de cellules infectées qui continue d’abriter les génomes intégrés du VIH après le traitement et à cibler ces séquences ADN avec une technologie d’édition génomique.

« Cette collaboration constitue une avancée ambitieuse, en associant les outils scientifiques les plus avancés à l’important travail de recherche sur le VIH mené à l’échelle mondiale par l’infrastructure NIH afin de fournir un jour un remède à la pandémie mondiale de VIH. » a indiqué Anthony S. Fauci (M.D.), Directeur du NIAID. « Nous concentrerons nos efforts sur les personnes dont les besoins sont les plus pressants afin de veiller, en cas de succès, à ce que cette réussite expectionnelle en matière de santé publique soit mise à la portée de tous. »

 

Crédits photo: Doctissimo

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