A Bamako, un fleuve Niger abîmé

Le fleuve Niger est de plus en plus affecté par le changement climatique. Riverains, pêcheurs ou encore maraichers, ils sont nombreux au Mali à en subir les conséquences.

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Moustapha, un riverain du Niger, est pensif. « Avant le lit du fleuve atteignait l’endroit où je me tiens », raconte-il, « aujourd’hui, le sol où je pose mes pieds est sec. C’est comme si le fleuve s’était retiré, et même lorsqu’il pleut abondamment, c’est pareil ».

Troisième plus grand fleuve d’Afrique derrière le Nil et le Congo, le Niger traverse dix pays dont le Mali où il parcourt 1 750 kilomètres (sur une longueur totale de 4 200 kms). Dans la capitale Bamako, depuis l’un des trois ponts qui enjambent le cours d’eau, on peut observer l’activité intense que génère le Niger. Navigation, pêche, maraichage, le fleuve, que les Bamakois ont surnommé affectueusement « Djoliba », est le poumon central de la cité.

Mais le Niger se dégrade. Depuis la grande sécheresse de 1970, lorsque le fleuve avait perdu entre 20 et 40% de son débit, la baisse générale des précipitations a impacté le volume d’eau charrié. Selon l’expert environnemental Adama Sissoko, une diminution de 37% par rapport au débit normal a été enregistrée récemment dans certaines stations.

Le régime du fleuve a ainsi été profondément modifié tout le long de son parcours. « Les poissons ont déserté les eaux du Djoliba pour d’autres plus riches », confie Moussa, un pêcheur bozzo assis dans son hangar de réparation de filets.

« Avant, je ne sortais jamais ma pirogue sans la ramener à moitié pleine, mais la rareté des pluies, la jacinthe d’eau ainsi que l’action humaine, ont eu raison du djoliba qui perd sa richesse à une vitesse surprenante », se désole-t-il, « à cette allure, j’ai bien peur que mes petits fils ne puissent plus s’adonner à la pêche alors que nous transmettons ce savoir de génération en génération ».

L’Etat malien minimise

Si le changement climatique est pointé du doigt, d’autres actions de l’homme sont aussi mises en cause comme la pollution des eaux usées de teinturerie, l’occupation anarchique sur les rivages, l’exploitation des granulats.

Selon l’Agence du Bassin du Fleuve Niger (ABFN), le fleuve servirait d’habitat à plus de 130 espèces aquatiques, des poissons, mais aussi des hippopotames, des crocodiles et des lamantins, ainsi que 350 espèces d’oiseaux, dont près d’un tiers sont migratrices, venant des régions froides et tempérées. Aujourd’hui, leur existence est menacée à cause de la rareté des pluies, de la diminution des ressources et de l’ensablement du fleuve.

Face à ces problèmes, que fait l’Etat malien ? Pas grand-chose répond l’expert environnemental et collaborateur au Journal vert du Mali, Adama Sambou Sissoko. Il liste les manquements : non-respect des engagements pris aux différents sommets sur le climat, manque de formations pour avoir des spécialistes du domaine, recrutement à la fonction publique de l’Etat fermé aux spécialistes existants…

« L’Etat du Mali a tendance à minimiser la pression climatique que subit le fleuve, mais l’impact est tel qu’il ne saurait être ignoré », insiste Adama Sambou Sissoko. Par le Mali, comme par tous les autres pays qu’il traverse.

Salomon Guindou

 

Salomon Guindou est un communicant malien passionné, avec plusieurs années d’expérience. Il travaille pour une organisation humanitaire dans le centre du Mali. Il milite pour un journalisme de solutions afin de contribuer à la résolution du conflit qui mine son pays depuis plus de dix ans.

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