Covid-19 : nos cellules se défendent en faisant muter le virus

Une étude a mis en évidence que l’infection par le coronavirus entraine l’activation d’une enzyme, ADAR1, qui cause des mutations dans l’ARN du virus pour l’empêcher de se répliquer.

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Une arme insoupçonnée contre le coronavirus ? Après deux années de pandémie, nous avons appris comment notre système immunitaire s’active pour arrêter le virus et l’empêcher de causer des dommages, une défense qui s’avère efficace chez la plupart des personnes infectées. Cependant, un nouveau volet de cette défense immunitaire vient d’être dévoilé, un mécanisme qui empêche le virus de se répliquer… mais qui pourrait aussi accélérer son évolution. Une étude suédoise publiée le 8 février 2022 dans le journal PNAS a mis en évidence que l’infection entraîne l’activation d’une enzyme, nommée ADAR1 (pour « déaminase d’adénosine agissant sur l’ARN »), qui cause des mutations dans l’ARN du virus. Le directeur de l’étude, le Pr Michael Kann de l’Université de Göteborg, explique à Sciences et Avenir cette étonnante découverte.

Une défense contre les virus à ARN comme le coronavirus

ADAR1 n’est pas très bien connue, c’est une enzyme qui fait partie du système immunitaire innée, qui cible l’ARN et qui y produit des mutations, résume Michael Kann. Elle modifie les adénosines (A) en inosines, et lors de la réplication de l’ARN cette modification cause une erreur de copie et ces inosines sont lues comme des guanosines (G), donc A devient G.” Les chercheurs ont étudié près de 300.000 séquences du coronavirus, montrant que cette mutation (A vers G) était bien plus fréquente que toutes les autres mutations, ce qui mettait en évidence l’activation d’ADAR1. Mais à quoi pourraient servir ces modifications réalisées par cette enzyme ?

Dans la majorité des cas, ces mutations sont négatives pour le virus et on voit une corrélation entre le nombre de ces mutations et une baisse de la charge virale”, répond-il. L’hypothèse est donc que cette enzyme génère une accumulation de mutations dans l’ARN du virus, entrainant des erreurs en chaîne qui finissent par empêcher la réplication du virus, stoppant ainsi l’infection et diminuant donc la charge virale (c’est-à-dire le nombre de particules virales). Kann et son équipe ne connaissent pas encore le mécanisme exact par lequel cette enzyme est activée, mais poursuivent une piste intéressante : “On voit une corrélation entre l’activité de cette enzyme et l’inflammation, donc ADAR1 est probablement exprimée suite à un état inflammatoire”, ajoute le virologue.

Une défense qui pourrait s’avérer nuisible ?

Puisque la fonction d’ADAR1 est celle de modifier l’ARN, est-il possible qu’elle cible aussi les molécules d’ARN de nos cellules ? “Potentiellement, ADAR1 pourrait causer aussi des modifications dans l’ARN de nos cellules, mais ça n’aurait probablement pas beaucoup d’impact. Cette modification d’adénosine en inosine dans l’ARN messager risque de bloquer le ribosome et causer une longue pause dans la traduction, mais il y a beaucoup de copies de ces molécules d’ARNm donc la modification de quelques-unes d’entre elles ne devrait pas avoir des conséquences significatives”, nous rassure Michael Kann.

En revanche, ces mutations pourraient être nuisibles non pas en ciblant notre ARN, mais en accélérant l’évolution du virus et entrainant ainsi l’émergence de variants. “En théorie, c’est possible que cela accélère l’évolution du virus, mais on n’a trouvé que des mutations désavantageuses pour le virus dont la grande majorité affecte la réplication, riposte-t-il. On analyse actuellement cette possibilité, en cherchant si ADAR1 pourrait être responsable de certaines des mutations trouvées dans les variants préoccupants du coronavirus. Mais pour le moment nous n’avons pas trouvé d’évidence dans ce sens.” Cette enzyme serait donc bien une arme contre le coronavirus et pas contre nous-mêmes, jusqu’à preuve du contraire.

Avec Science à venir

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