Développement de l’élevage au Mali: L’insémination artificielle, une solution, beaucoup d’obstacles

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Avec 18 millions de bovidés, 35 millions d’ovins caprins, le Mali est un pays agro-pastoral par excellence. L’élevage y est essentiellement pratiqué en transhumance. Les troupeaux sont conduits à travers la savane, à la recherche de points d’eau et de pâturage. Face à l’insécurité et au changement climatique, les autorités ont opté pour l’insémination artificielle. Une méthode jugée «salvatrice» pour la production de viande et de lait. Initiée en 2014, l’insémination artificielle doit pourtant relever d’énormes défis.

L’insémination artificielle est considérée comme une des méthodes les plus efficaces d’amélioration du cheptel. Elle permet d’améliorer la race locale par le croisement avec des semences de races étrangères, plus productives en viande ou en lait et plus résistantes aux conditions climatiques. Pour atteindre sa mission, le gouvernement a créé le Centre National d’Insémination Artificielle (CNIA), dirigé par Diakaridia Traoré, professeur d’amélioration génétique animale.

«Pour développer l’élevage, nous devons aller vers l’insémination artificielle. Aucun pays n’a pu développer son élevage sans aller vers l’insémination. En matière d’élevage, elle est incontournable pour avoir un bon rendement en lait et en viande», conseille Dr Sidi Keita Directeur Général Adjoint du CNIA. Grâce à l’insémination, explique Dr Keita, nous pouvons avoir des taureaux de 700 kg contre 150 Kg actuellement sans insémination. Aussi, la production de lait peut atteindre 30 litres pour les vaches inséminées contre 8 litres  pour celles non inséminées. Avec l’insémination, une vache peut mettre bat à deux ans et produire du lait alors que nos races locales mettent 4 à 5 ans.

«L’éleveur ne peut être responsable de l’échec de l’insémination car, il n’est spécialiste alors que l’inséminateur est spécialiste.»| Dr Ousmane Traoré

Les maladies et la morale religieuse

Malgré son importance, l’insémination artificielle connaît des difficultés au Mali. Soumaïla Diallo est inséminateur à Sikasso. Selon lui, la région a été confrontée l’année dernière, à des maladies chez les bœufs. Cela, affirme-t-il, a favorisé le taux d’échec d’insémination dans les élevages. «Toute sorte de maladie peut causer l’échec de l’insémination. Un animal reconnu malade ne doit pas être inséminé», indique Souleymane Traoré, ingénieur vétérinaire chargé de la diffusion au centre National d’Insémination Artificielle (CNIA). Les maladies les plus fréquentes énumèrent l’expert sont: la trypanosomiase, la tuberculose, la parasitose externe la brucellose, la pétroleuse, la fièvre aphteuse et les infections génitales dues aux streptocoques, aux staphylocoques et actuellement la fièvre Aphteuse.

Aux dires de Soumaïla Diallo, 90% des échecs sont dus aux éleveurs et 10% aux inséminateurs. Un avis rejeté par le Dr Ousmane Amadou Traoré, vétérinaire libéral, au Centre International Formation Diffusion Productions Pastorales de Bamako. «L’éleveur ne peut être responsable de l’échec de l’insémination car, il n’est spécialiste alors que l’inséminateur est spécialiste. Le seul rôle de l’éleveur, c’est son désir d’inséminer. C’est à l’inséminateur de juger l’animal. C’est à lui de savoir si l’animal rempli les conditions: condition d’élevage et d’état de santé». L’autre facteur important, selon Dr Ousmane Amadou Traore, est la formation de l’inséminateur. Celui-ci doit être mieux formé et être à mesure de pratiquer l’intervention entre 3 et 5 minutes.

Au CNIA, Souleymane Traoré relativise les deux points de vue. «Quand un animal est inséminé, il doit manifester de la chaleur entre 17 à 21 jours. Or, l’inséminateur ne peut pas voir cet aspect, c’est l’éleveur  qui observe ça, afin d’informer l’inséminateur pour rependre s’il le faut. En somme, ce taux d’échec est relatif aux paramètres d’observations ». Selon Soumaïla Diallo, le problème du côté des inséminateurs n’est pas seulement un problème de formation. Il n’existe aucun centre régional de stockage des doses de semence. Les inséminateurs se déplacent à Bamako, toutes les deux semaines pour s’approvisionner. Les conditions de transports parfois difficiles vers les éleveurs secouent les semences et favorisent le taux d’échec.

Dans les centres d’insémination à Kassela et à Sala, des éleveurs voient à l’insémination un phénomène contre-nature donc contraire à la religion musulmane. Pour le Directeur Général Adjoint du CNIA, cet argument n’est pas valable. Car, l’Arabie Saoudite est le pays qui a fourni au Mali ses premières doses de semences. L’insémination, défend-il, est une pratique jadis pratiquée par les pays arabes sur les chevaux. Après l’Arabie Saoudite, le Maroc, depuis 2014, a offert à notre pays 135 000 doses dont environ 90.000 doses sont toujours en stocks.

L’absence de subvention

De 2014 à 2016, le prix subventionné d’une insémination était de 5000 FCFA pour la vache en chaleur naturelle et 10.000 FCFA pour la chaleur provoquée. Les inséminateurs étaient formés, repartis et pris en charge par le Maroc. Avec la fin de la subvention en 2017, l’Etat malien a pris  le relais, seulement, de janvier à mars 2017. Depuis, les inséminateurs sont installés à leur propre compte et les prix sont passés à 10.000 FCFA pour la chaleur naturelle et 17.500 FCFA pour la chaleur provoquée, à Bamako et environs. A Sikasso, le coût de l’insémination par vache s’élève aujourd’hui à 25 000 FCFA. Un prix trop élevé pour les éleveurs.

Mahamadou M. YATTARA

NB: Interdiction de reprendre cet article sans l’autorisation du JSTM

3 commentaires
  1. KONE GILLES dit

    Chers Amis , Collègues et Confrères!!

    Juste cette petite note pour vous compléter

    Le sous secteur de l’Insémination artificielle Animale au Mali a besoin d’un Forum National afin de capitaliser les acquis , identifier les intervenants qui deviennent de plus en plus multiples et complexes , faire un diagnostic profond des handicaps majeurs , réorganiser le domaine suivant la législation en vigueur , et repartir sur une nouvelle base solide et prometteuse.

    A mon avis , le 1er handicap est le manque de disponibilité permanente et le cout de l’Azote liquide au Mali . En 2009 , quand je coordonnais la Sté KISAMENSAHEL SA , le litre de l’Azote coutait 5000 FCFA au Mali contre 250 FCFA aux PAYS BAS et l’Azote était loin d’etre disponible en permanence; ce qui met en danger tous les dispositifs nationaux d’IA ( le Feu orange est toujours allumé).
    Lors de ma FP aux Pays Bas , la 1ere leçon en IA que j’ai recu est : je cite « L’azote N2 représente pour IA ce que l’Oxygène O2 représente pour la vie de l’Homme »  » Pas d’Azote , Pas d’insémination artificielle ». Nous devrons d’abord se battre avant tout pour résoudre ce problème qui doit etre classé comme priorité des priorités : Azote disponible de façon permanente en quantité et à prix abordable (prix du litre inferieur à 1000 fr CFA)
    -le manque de Formation pratique des éleveurs dans le service de l’IA au Mali est pertinent
    -nos inséminateurs ont besoins de perfectionnement et de moyens logistiques pour plus de mobilité
    -l’insuffisance de coopération entre Inséminateur et Eleveur qui doivent travailler en système organisé

    NB: par rapport la responsabilité des résultats en ‘IA , elle est partagée ( égal part ) entre l’Inséminateur , l’Eleveur. Chacun joue un rôle important dans le système ,raison d’une bonne coopération.

    -le secteur doit etre entièrement privatisé , protégé contre la concurrence déloyale. Le rôle de l’Etat doit être plutôt d’organiser d’appuyer le secteur et non de faire l’acte d’inséminer qui est trop mineur comme intervention d’un service public.

    Bref l’IA qui se pratique aujourd’hui chez la plupart des espèces animales productives avec des résultats extraordinaires ( bovins , ovins/caprins, volailles , poissons ….) il est impératif pour le Mali de faire tous les efforts et le plutôt possible pour développer cette pratique , source d’emploi énorme pour les jeunes zootechniciens et vétérinaires sortants de nos Ecoles de Formation et génératrice de richesse nationale pour les populations d’Eleveur

    Gilles KONE PhD

    AGRISUP
    ECOLE SUP.PRIVEE
    D’AGRICULTURE ET D’ELEVAGE
    SEGOU/ BAMAKO
    MALI

  2. kone gilles dit

    Chers amis
    Je voudrai cas même préciser que cette responsabilité de l’éleveur a 50% est d’autant plus justifiée qu’on se situe dans un contexte d’IA par chaleur naturelle qui est actuellement pratiquée à 95% dans les Pays à Grand élevage intensif ou l’utilisation des synchronisants ( hormones) est très restrictive.
    Fraternellement !
    Gilles KONE PhD
    Promoteur
    AGRISUP

  3. Solange dit

    En Afrique, on a très peu la tradition qui nous colle à la peau. On a des préjugés par rapport aux choses qui viennent d’autre part surtout dans les secteurs qui peuvent améliorer nos vies. Dans le secteur agricole et élevage, ces préjugés sont d’autant plus fortes.
    Il faut d’abord faire des expériences qui montrent que l’insémination marche pour que les éleveurs aient confiance. Maintenant si les inséminateurs sont ignares par rapport à la période de fécondation des animaux, on peut se demander si leur travail les intéresse. C’est eux qui doivent convaincre les éleveurs et leurs apprendre à observer.

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