Dr Adama Traoré : père de l’insémination artificielle au Mali

Président du Collège des Sciences agricoles de l’Académie des Sciences du Mali, Adama Traoré est un chercheur atypique. Le vétérinaire a imprimé sa marque à la tête d’institutions africaines de recherche agricole au point de se voir élever au grade de Commandeur du Mérite de l’Education nationale de la République de Côte d’Ivoire.

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« Qui connait la spécialité du Docteur Adama Traoré », avait demandé le modérateur d’un atelier auquel il participait. « C’est un agronome », s’étaient écriés presque tous les participants à la rencontre. « Non, c’est un vétérinaire » avait rectifié le modérateur laissant tout le monde ébahi. Si Adama Traoré se souvient encore de cette anecdote intervenue au cours d’un atelier dont il était le formateur, c’est parce que tout au long de son parcours, le chercheur a navigué dans plusieurs domaines de l’Agriculture. 

Né à San (Ségou) en février 1949, le fils de ‘’San Bourama’’ sera scolarisé à Thiès au Sénégal où son cheminot de père avait été affecté. « A une époque, je parlais mieux Wolof que Bambara », se souvient le chercheur, accueilli dans les locaux du Journal scientifique et Technique du Mali. 

Après l’éclatement de la fédération du Mali-Sénégal, c’est à Bamako qu’Adama Traoré poursuit ses études primaires. Mais sa prononciation du français est à jamais teintée par son enfance au Sénégal. Aujourd’hui, sa voix forte trahit son physique de  retraité aux cheveux entièrement blancs.

Développement rural, recherche et développement, suivi et évaluation de projets, gouvernance de la recherche, coopération en recherche et développement agricole… Le domaine d’activité d’Adama Traoré s’est élargi au fil de son curriculum vitae. Son parcours d’étudiant débute en Allemagne à l’âge de 20 ans après l’obtention du baccalauréat en Sciences biologiques au Lycée Propser Kamara. A l’Université Karl Marx de Leipzig, le jeune étudiant obtient le titre de Docteur vétérinaire. Il poursuit ses études et obtient, en 1978, le « Doctorat d’Etat vétérinaire de Haute Spécialité » en Reproduction animale.

« Le monde de la recherche était un peu conservateur » ! Dr AdamaTraoré 

Surnommé « coco-chè » par ses collaborateurs à force de les parler de cette race locale de poulet, le vétérinaire a révolutionné le secteur de l’élevage au Mali. 

Grâce à ses travaux et à l’appui « inestimable » de ses étudiants, le chercheur a initié un processus de métissage dans l’élevage du bovin, et plus tard dans l’élevage de la volaille. Le travail ne consistait pas uniquement à faire de la recherche, il s’agissait d’imaginer un centre d’insémination artificielle, de conseiller les paysans, ou encore de raisonner ses collègues. « Le plus dur était de convaincre les chercheurs », indique Adama Traoré. 

A Sotuba, où se trouve le centre national d’insémination artificielle du Mali, se souvient le chercheur, l’insémination conduite par Dr N’Golo Traoré se faisait avec deux taureaux de race améliorée offerts par l’Agence Française de Développement. Lorsqu’il a audité le dossier du projet d’insémination, Dr Adama Traoré a émis l’idée d’importer de la semence congelée pour féconder les vaches manuellement. C’est la naissance de l’insémination artificielle proprement dite au Mali.

« Le monde de la recherche était un peu conservateur. On dit que ça se fait de telle façon, il fallait s’en tenir à ça ». Au dogmatisme dans la recherche, il fallait associer le poids religieux. Pour beaucoup de chercheurs à l’époque, explique le vétérinaire, l’amélioration des races était contre nature et défiait les règles de la religion. « Je croyais prêcher dans le désert ». Le nom du Dr Adama Traoré est peu cité dans la réussite de cette méthode au Mali. « Avec le recul, j’ai compris que quand quelque chose à du succès, c’est le bébé de tout le monde », se console le chercheur.

S’il y a un domaine où le travail du Dr Adama Traoré a  quelque peu été reconnu à sa juste valeur, c’est bien avec « Wassa Chè », une race de poulet issue du croisement de la race mixte exotique “Rhode Island Red” importée des USA avec la race mixte locale “ coco-chè. « C’est pourtant là, où j’estime n’avoir pas tout faire tout seul », assure le chercheur.

De la recherche appliquée à la gouvernance africaine de la recherche…

Avec deux doctorats en poche à une époque où un doctorat l’aurait placé au sommet de la médecine vétérinaire, Adama Traoré avait une carrière administrative toute tracée au Mali. Cependant, le chercheur renonce aux propositions de postes administratifs qui auraient pu l’éloigner de la recherche. Ainsi, le chargé des cours de physiologie et de pathologie de la Reproduction à l’Institut Polytechnique Rural de Katibougou sera en détachement (1982-1990) auprès du Centre International pour l’Elevage en Afrique (CIPEA), dans le cadre du Programme des zones arides et semi-arides.

Durant sept années, le chercheur dépose ses valises au Togo en tant que Expert Zootechnicien l’Organisation Mondiale pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). De retour au Mali en 1998, il devient président du Comité national de la Recherche agricole (CNRA), puis Président du Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricole (CORAF/WECARD), une organisation qui regroupe 22 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. C’est d’ailleurs pour sa prestation à la tête de cette institution que le Dr Adama Traoré sera fait, en 2007, Commandeur du Mérite de l’Education nationale de la République de Côte d’Ivoire.

Vice-président du Forum Africain pour la Recherche Agricole (FARA) et Membre du Comité Directeur du Forum Mondial pour la Recherche Agricole (GFAR), ou encore Directeur Général par intérim (Sept. 2013 à Mars 2015) du Centre du Riz pour l’Afrique (AfricaRice) Adama Traoré sera Chevalier du Mérite Agricole du Mali en 2008, puis Chevalier de l’Ordre National du Mali en 2010.

Mamadou TOGOLA | JSTM.ORG

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