Fleuve Niger : Sauver ou périr avec cette sève nourricière du Mali

Le fleuve Niger aujourd’hui menacé par les actions anthropiques, pousse les organisations de défense de l’environnement à apporter des solutions de sauvegardes qui se heurtent le plus souvent, à l’incivisme et au manque de volonté politique. 

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Cet article a été sponsorisé par la délégation de l’Union européenne au Mali


« 85% de la population malienne à une activité liée au fleuve Niger », a estimé Dia Yaye Sacko, membre de la plateforme Save Fleuve Niger. Au cours d’un panel, le 2 novembre dernier, en marge de la semaine européenne de la diplomatie climatique, la militante environnementaliste n’a pas mâché ses mots sur l’« incivisme » principalement responsable de la dégradation du fleuve Niger. Le panel a porté sur le thème : « Protection du fleuve Niger : quelles solutions ? ».

« La protection du fleuve Niger n’est pas que politique, elle est avant tout citoyenne », a indiqué Dia Yaye Sacko, qui pense que face à l’urgence de la dégradation du fleuve, « il faut se battre avec les moyens de bord ». Aux dires de Dia Yaye Sacko, « Si chaque Malien fait quelque chose pour protéger le fleuve, la politique ne fera que s’aligner ».

Enseignant-Chercheur, à l’Ecole nationale des Ingénieurs (ENI), le Professeur Sidi Ba adhère au pourcentage de population malienne qui a une activité liée au Fleuve. En réalité, dit le chercheur, le Niger est beaucoup plus important au Mali que les 1 700 kilomètres de longueur qui sont présentés en cours de géographie. Si l’on totalise les affluents comme le Bani, on a à minima, 3 000 km de long pour le seul Mali et donc plus de populations desservies par le fleuve.

Pour une protection efficace du fleuve Niger, Sidi Ba pense qu’il faut des ressources humaines qualifiées. Il y a un déficit de ressources humaines liées à la protection du fleuve Niger a-t-il reconnu au panel de l’Union européenne.

Cependant, assure l’expert, un Master en gestion intégrée en ressources en eau a été lancé à la Faculté des Sciences et Techniques (FST), et un autre master en génie rural lancé à l’Ecole supérieur d’ingénierie de Bamako (ENI-ABT).

« En 2024, vous verrez les 43 premiers étudiants qui seront en mesure de construire des ouvrages de protection de l’environnement », prédit professeur Sidi Ba.

Le vrai problème, ce n’est pas la formation, rétorque Dia Yaye Sacko. Le vrai problème, précise-t-elle, c’est que 90% des personnes formées en environnement sont perdues. Il faut donc des perspectives pour ceux qui sont formés. Prenant la parole, le Professeur Amadou Hama Maïga, ancien directeur général de l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2IE) informe que le fleuve Niger est un enjeu international. La gestion du fleuve doit être une gestion concertée entre Etats membres de l’Autorité du Bassin du Niger.

150 espèces aquatiques menacées

« Aujourd’hui, il n’y a pas autant de poissons dans le fleuve Niger qu’avant », s’inquiète Almamy Ibrahima Koreissi, président de Bozo Kabou, une association des pêcheurs. Pour avoir certains poissons, insiste le pêcheur, il faut quitter Mopti pour aller à Gao.

La faute est due, selon Almamy Ibrahima Koreissi, à l’ensablement. « Tous les canaux de navigation du fleuve sont ensablés », alerte-t-il. Et d’ajouter : « Cela a pour conséquence la baisse de l’hydraulicité du fleuve Niger ». Le pêcheur dont la communauté vit essentiellement du fleuve pense qu’il y a urgence à agir.

« Lorsqu’on parle d’espaces aquatiques menacées, l’on fait essentiellement référence aux espèces commerciales », dénonce le biologiste Sékou Sako. « Il y a pire que les espèces commerciales », souligne-t-il. Tout le monde dit que les poissons disparaissent, ce n’est pas forcément à cause de la surpêche, mais plutôt parce que leur nourriture n’est plus là. Aux dires du biologiste, le phytoplancton qui fournit l’oxygène, donc à la base de la chaîne alimentaire aquatique, est menacée.

Aujourd’hui, la recherche estime à 150 espèces aquatiques menacées de disparition dans le fleuve Niger. Pour le biologiste Sékou Sako, il faut une prise de conscience nationale. « Les principales grandes villes du Mali sont arrosées par le fleuve Niger et ses affluents » souligne le chercheur. Et de prévenir : « Il faut donc se demander si le Mali peut survivre au fleuve Niger ».

Un plan national à 2,2 milliards d’euros

Face à l’urgence de la dégradation du fleuve Niger, le gouvernement malien a lancé en juin 2019 un plan national pour faire face aux (s’attaquer aux) menaces telles que la pollution, l’ensablement, le dragage et autres occupations illicites des servitudes… Baptisé Programme national de Sauvegarde du Fleuve Niger (PNS-FN), le plan d’une valeur de près de 2,2 milliards d’euro est mis en œuvre par l’Agence de bassin du fleuve Niger (ABFN). Trois (3) ans après son lancement en grande pompe force est de constater que la mise en œuvre du plan n’est toujours pas effectif.

Mamadou TOGOLA

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