Insolite. A Paris, une université délivre des diplômes à ses patients

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Depuis bientôt 10 ans, une université parisienne diplôme des patients. Le but ? Faire du vécu de la maladie une expertise. Pour mieux écouter le malade et épauler le soignant.

« Écrivez les mots éléphant rose avec votre bassin, allez, on se déverrouille… Puis faites l’huître avec votre visage… »

En ce frais matin parisien, la vingtaine d’élèves de Laurence Bouffette fait sa « gym du cerveau », zygomatiques en forme. Sourire pour mieux réfléchir et entamer une journée de cours où les neurones risquent de chauffer.

La formatrice lance le premier atelier de ce module en éducation thérapeutique. Dans la salle de cours de la fac Pierre et Marie Curie-Sorbonne universités, les cahiers sont de sortie. « C’est un peu le retour à l’école, s’amuse-t-elle.L’enjeu est de passer un diplôme. Les participants se retrouvent depuis octobre, deux jours par mois. La soutenance, c’est en juin. Alors, même si on semble détendus, c’est du sérieux ! »

Ce qui fait mal…

Rien ne distingue les malades des soignants. « Le principe de l’université des patients, c’est de mélanger tout le monde pour apprendre à travailler ensemble. »

Faire d’une pathologie une expertise, transformer ce qui fait mal en une action qui fait du bien, associer le savoir académique au ressenti empirique, c’est ce qui a séduit Sophie, 40 ans.

Cette prof de français, atteinte depuis l’enfance d’une pathologie pulmonaire, veut changer le rapport à la maladie: « Quand vous devez la vie à vos médecins, cela crée un lien de soumission où seule la parole venue du haut et du savoir comptent. Il faut changer cette vision verticale de la médecine. Permettre au patient d’être davantage acteur. »

Une richesse humaine

L’intégration de patients-experts dans des équipes médicales, des associations de soutien aux malades, à l’hôpital ou dans des réseaux de santé, « c’est une richesse humaine complémentaire dans le parcours de soins. À notre tour, on apporte quelque chose aux autres plutôt que d’être seulement dans l’attente de soins. »

Depuis la création de cette université en 2009, 123 patients ont été diplômés et 300 acteurs de santé formés à leurs côtés (universitedespatients.org). Si le statut de patient-partenaire est déjà très reconnu en Angleterre, Belgique, Suisse ou au Canada, l’accueil reste timide en France. Seuls 10% des patients diplômés ont réussi à trouver un emploi salarié correspondant à cette formation, beaucoup interviennent bénévolement.

 Aux côtés de Sophie, tous partagent l’idée de briser-ou au moins fissurer-cette paroi de verre qui bannit trop souvent l’empathie et l’émotion. Maëlle, infirmière et étudiante du cursus, résume : « On nous reproche cette distance qui peut blesser. Apprendre à mieux écouter le patient, c’est rééquilibrer la force et le pouvoir de chacun, utiliser autant la technique que le relationnel. Et mieux appréhender les émotions. »
ouest-france.fr

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