Pr Amadou Hamadoun Babana, microbiologiste à l’USTTB: «Les biofertilisants sont parmi les technologies que les pays émergents doivent adopter»

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Le Professeur, en microbiologie, Amadou Hamadoun Babana est, aujourd’hui, responsable du Laboratoire de Recherche en Microbiologie (LaboREM – Biotech) de la Faculté des Sciences et Techniques. Il fonde beaucoup d’espoirs sur les engrais organiques. Après sa participation, en 2015, à la 3e édition du symphos à Marrakech. Il a accordé un entretien au magazine African Bussiness Journal. Interview…

Quelles sont les dernières innovations qui ont été présentées lors de cet évènement ?

Plusieurs innovations dans les thématiques relatives aux procédés industriels, aux éléments de valeurs, aux fertilisants du futur ont été présentées au Symphos 2015. Cependant, les innovations au niveau du développement durable, à savoir l’utilisation des inocula mycorhiziens pour améliorer la nutrition phosphatée des plantes, et surtout le développement de biofertilisants phosphatés efficaces, peu coûteux et respectueux de la santé des producteurs et de l’environnement, ont été présentées comme innovations du futur à diffuser partout en Afrique. L’utilisation du phosphogypsum (PG) en tant que coproduit de l’industrie des phosphates et non comme déchet a été aussi accueillie comme une innovation  d’avenir.  En  effet, l’utilisation de ce produit, jadis considéré comme déchet, pour améliorer la production des cultures et dans la construction des routes a été accueillie comme importante innovation à améliorer.

Quelle place occupent l’innovation et la technologie dans l’agriculture africaine ?

L’agriculture est un moteur économique pour l’Afrique. Afin de répondre à leurs besoins alimentaires et nutritionnels, les pays africains importent quelque 25 milliards de dollars de produits alimentaires chaque année, d’où la nécessité de transformer le secteur agricole africain, caractérisé pour l’heure par une faible productivité, en une locomotive du développement économique, en s’appuyant sur les améliorations technologiques et les avancées systémiques qui privilégient l’intensification à l’extensification. Pour atteindre cet objectif, la biotechnologie, surtout dans le domaine de la production de fertilisants  biologiques, figure parmi les différentes technologies que les pays émergents et ceux en voie de développement doivent adopter pour permettre à des millions de personnes de bénéficier d’une plus grande sécurité alimentaire.

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Aujourd’hui comment se porte le marché des phosphates en Afrique?

Le marché des phosphates naturels et bio-phosphates, se porte très bien en Afrique. Ce qui est renforcé par le fait que les prix du DAP (phosphate de diammonium) et du phosphate d’ammoniaque, les engrais à base de phosphate les plus courants ont augmenté de 50% pour atteindre plus de 400 dollars la tonne au départ du producteur les rendant hors de portée des petits producteurs africains. Ce qui profite aux producteurs d’engrais phosphatés africains et rehausse la rentabilité des mines de phosphate qui jusqu’à une date récente avaient une rentabilité très basse. Dans le cas de l’Afrique, où la population croît à une vitesse fulgurante alors   que les terres disponibles se raréfient, il est urgent de nourrir au mieux les sols cultivés. Pour accélérer  la  croissance  des  cultures, les Africains ont beaucoup utilisé les inoculants microbiens contenant les bactéries fixatrices d’azote. Mais, pour reconstituer le sol à moyen terme, le recours aux engrais phosphatés est indispensable, d’où l’accélération de l’exploitation des phosphates naturels et actuellement la tendance est à la production et à l’utilisation des bio- phosphates qui offrent un marché important constitué des petits producteurs du continent. Les engrais phosphatés sont en plein essor en Afrique, en témoignent les investissements importants dans ce secteur d’activité depuis plus de 5 ans. Cet essor, que connaissent les phosphates naturels et biophosphates, devrait continuer, car c’est ici qu’on s’attend à la plus forte utilisation  des  phosphates  naturels et des engrais phosphatés biologiques.

Les biofertilisants constituent une alternative pour contrer les engrais chimiques. Concrètement de quoi s’agit-il ? Quels sont ses avantages? Où en est l’Afrique ?

Les engrais phosphatés chimiques sont produits en utilisant les acides pour solubiliser le phosphore des roches phosphatées naturelles. Cependant, ces engrais chimiques bien qu’efficaces constituent un danger pour la santé des paysans et participent à la dégradation des sols agricoles. En plus, avec la hausse du prix de l’énergie, ces engrais deviennent de plus en plus chers et de moins en moins accessibles aux petits producteurs agricoles  africains. Plusieurs  travaux de recherche ont été conduits pour permettre aux petits producteurs d’avoir accès à des intrants efficaces, peu coûteux et surtout respectueux de la santé des paysans et l’environnement. Ces travaux ont conduit au développement de plu- sieurs engrais biologiques nommés biofertilisants. Ces biofertilisants phosphatés utilisent des microorganismes pouvant sécréter des acides organiques à faible poids moléculaire capables de solubiliser le phosphore des phosphates inorganiques et le mettre à la disposition des plantes.

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Certains biofertilisants multi- fonctionnels combinent des micro-organismes solubilisant le phosphore et des champignons mycorhiziens dont les mycéliums explorent une grande surface du sol et permettent à la plante d’avoir accès à plus de phosphore du sol. Ces biofertilisants produits sur place, donc accessibles à temps opportun, sont moins chers et aussi efficaces que les fertilisants chimiques, et constituent une alternative intéressante pour contrer les engrais chimiques. L’Afrique actuellement, bien qu’en retard dans ce domaine innovant, possède plusieurs chercheurs et entreprises de pointe en ce secteur qui prend de plus en plus de l’ampleur. En effet, vous avez pu observer au cours de ce symposium que plusieurs chercheurs africains ont développé des biofertilisants avec une grande efficacité agronomique et une rentabilité économique jusqu’à deux fois plus forte que les engrais chimiques.

Jstm.org

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