Pr Ogobara Doumbo, une vie de lutte contre le paludisme

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Peu de scientifiques africains, travaillant dans leur pays natal, ont obtenu la reconnaissance internationale. Ogobara Doumbo, de la faculté de médecine de Bamako, était de ceux-là. Il vient de décéder à l’âge de 62 ans.

«En vérité, un homme n’est fort que s’il a de l’espoir.» Si l’on en croit ce proverbe bambara (traduit approximativement), Ogobara Doumbo était très fort. Il portait en effet dans ses travaux l’espoir de millions de personnes au Mali, en Afrique, et partout dans le monde. A l’annonce de son décès des milliers de personnes ont salué, sur les réseaux sociaux, la mémoire de l’illustre scientifique.

Le Journal Scientifique et Technique du Mali rend hommage à ce fils de tradipraticiens, qui ne pourra plus jamais lui rendre visite à cause d’une malheureuse erreur d’indication. En effet, le Pr Doumbo avait souhaité échanger avec les journalistes du JSTM. Mais hélas! Sa grande disponibilité, les Jeunes chercheurs africains en Europe ne pourront plus en bénéficier, eux avec qui, il avait accepté de partager son expérience de chercheur de niveau international au Mali le 6 juillet 2018, à Toulouse dans le cadre de la conférence YASE – Young African Scientists in Europe.

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De la tradition à la modernité

Ogobara Doumbo est né en janvier 1956 dans le cercle de Koro, en pays Dogon, au centre du Mali. Son intérêt pour la médecine, et d’abord pour les capacités de guérison des plantes lui est transmis très jeune par ses parents et grands-parents tradipraticiens. En 1979, il obtient son doctorat en médecine à l’université de Bamako (aujourd’hui Université des sciences, des techniques et des technologies de Bamako, USTTB). Après avoir exercé la médecine en milieu rural, il reprend ses études et, en 1985, il décroche un second doctorat en médecine, cette fois à l’université d’Aix-Marseille, en France.

La recherche sur le paludisme

En 1992, c’est à l’université de Montpellier 2 qu’il soutient un doctorat en parasitologie. Il y fait la synthèse de ses travaux sur la résistance du paludisme à la chloroquine, et sur une stratégie de contrôle fondée sur l’utilisation de moustiquaires traitées à la perméthrine (un insecticide) et le traitement systématique des accès de fièvre.

Devenu professeur à la faculté de médecine de Bamako, Ogobara Doumbo en dirige le département d’épidémiologie pendant 10 ans. Jusqu’à sa mort, le 9 juin 2018 à Marseille, où il avait été évacué une semaine plus tôt, il était directeur du Centre de recherche et de formation sur le paludisme  » Malaria Research and Training Center  » (MRTC).

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Ce centre a été créé en 1992, au sein du Département d’épidémiologie des affections parasitaires de l’Université de Bamako, sous la direction de Yéya Tiémoko Touré. Il est le fruit d’une collaboration entre la Faculté de médecine de Bamako, l’Organisation mondiale de la santé, les Instituts américans de la santé (NIH), les universités Tulane et du Maryland, aux États-Unis, la Fondation Rockfeller, la Fondation Mérieux, et l’Agence Universitaire de la Francophonie. Depuis 2003, des essais cliniques d’un vaccin contre le paludisme y sont menés.

Reconnaissance internationale

«Vous n’avez jamais aimé être une star « cathodique » passant plus de temps sur les écrans de télé que dans son laboratoire. Vous étiez un Chercheur avec un C majuscule et un Professeur méticuleux et généreux», écrit Salif Sanogo, journaliste de la BBC qui a suivi son parcours au Mali, en France et aux États-Unis. Peu connu du grand public, ne raffolant pas des distinctions et des honneurs, Ogobara Doumbo n’en était pas moins reconnu internationalement dans le milieu universitaire et scientifique. Il avait reçu en 2007 le prix Christophe Mérieux, et en 2013 le prix étranger de l’Institut français pour la santé et la recherche médicale (INSERM).

Membre du conseil scientifique de l’Agence universitaire de la francophonie, membre correspondant étranger de l’Académie de Médecine de France, il assumait aussi sa part de responsabilité dans la vie scientifique internationale.

Une œuvre, et des héritiers

Avec plus de 300 publications dont certaines citées plus de 3000 fois, Ogobara Doumbo était incontestablement un leader dans le domaine de la lutte contre le paludisme. En 2007, un magazine le désignait comme l’une des « success history » du développement des capacités de recherche et de maintien des chercheurs dans leurs propres pays en Afrique. Une mesure de sa réussite : des chercheurs du MRTC publient aujourd’hui dans des revues scientifiques de premier rang international sans que le nom d’Ogobara Doumbo ne figure parmi les signataires.

Tous les chercheurs africains sont aujourd’hui un peu orphelins. Mais le professeur Ogobara Doumbo restera immortel. Car sa tâche, et le MRTC, ne meurent pas avec lui.

@mamadou_togola

5 commentaires
  1. Mamadou BA dit

    Mon commentaire est en deux mots: le courage et la témérité ont été les deux vertus qui ont incarnées l’Homme!
    Il est courageux. Il est téméraire dans tous les sens. Il a du courage dans la témérité quelque soit l’action, l’acte et la suite! Donc, il n’avais peur de rien même s’il avait le soutien des hautes autorités de l’état, ce qu’il disait à qui veut l’entendre!
    Il n’est plus!!!
    Il revient à tout ceux qui sont sur le chemin de la recherche de se retrouver pour une recherche harmonisée, structurée, rénovée, mieux gérée et sans aucune exclusion suivant des spécificités!
    Que tous les frustrés reviennent dans la famille pour aider le développement de notre Nation à travers cette recherche SVP!
    Je suggère et je souhaite de tout cœur que l’UMPP soit rattachée à la Faculté de la Pharmacie de même que le DMT, le CERFITEX,…
    Un autre souhait de voir la Faculté de Médecine en deux volet unis dont le volet humain et le volet animal!
    Les issues de ces branches seraient: l’IER, le LCV, les divers Hôpitaux, les parcs animaux et les casiers des poissons!!!
    La séparation des domaines aidera beaucoup l’épanouissement des compétences!!!
    Cordialement!

    Dr BA Mamadou PhD!

  2. TRAORE Namon Moussa dit

    Sans être malien mais africain, je rend hommage à ce brave homme de sciences. Grand travailleur infatigable. Il a su donner l’exemple en matière de force, courage et de persévérance à nous ses enfants d’Afrique. Dieu nous a prescrit le travail et la science. Il reposera auprès de son créateur. Merci Maître, merci Professeur. Adieu papa.

    TRAORE Namon Moussa, doctorant en Sociologie. Université Alassane Ouattara à Bouaké. Côte d’Ivoire.

  3. Anonyme dit

    Un homme humble, extraordinaire et d’une simplicité remarquable. Toujours au service de l’autre et de sa nation. Il m’a renforcé dans ma prise de décision pour rentrer définitivement au Mali et m’y installer. J’ai à travers lui compris qu’il y a des matières grises qui se sacrifient en venant s’installer dans leurs pays. Et j’ai fait le bon choix depuis 1 an: heureux et fier de servir mon pays et un peuple qui a besoin de mes compétences. Merci cher ami et Pr. Ogo. Que le Tout Puissant veille éternellement sur toi. amen

  4. Anonyme dit

    Un homme humble, extraordinaire et d’une simplicité remarquable. Toujours au service de l’autre et de sa nation. Il m’a renforcé dans ma prise de décision pour rentrer définitivement au Mali et m’y installer. J’ai à travers lui compris qu’il y a des matières grises qui se sacrifient en venant s’installer dans leurs pays. Et j’ai fait le bon choix depuis 1 an: heureux et fier de servir mon pays et un peuple qui a besoin de mes compétences. Merci cher ami et Pr. Ogo. Que le Tout Puissant veille éternellement sur toi. amen

    Dr. Ibrahim HAÏDARA, Psychologue / Cabinet de Psychologie PSY2A (Bamako, Mali)

  5. Mamadou Massa DIARRA,consultant énergie et changement climatique,Niamey,NIGER dit

    Une vie bien remplie…Un exemple à suivre pour la jeunesse africaine.

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