Quatre plantes pour éviter les grossesses indésirées au Mali

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L’embryon broyé, le fœtus sort sans aucun signe de vie, des saignements constatés. C’est 41,6 millions d’individus tués au cours des avortements, en 2018, dans le monde. Une baisse de 14,4 millions par rapport à 2014, où l’OMS rapportait 56 millions d’avortement. Au Mali, des scientifiques proposent l’utilisation des plantes comme contraceptifs pour la régulation de la fécondité.

« Une mauvaise herbe est une plante dont on n’a pas encore trouvé les vertus », a écrit le philosophe Ralph Waldo EMERSON. Depuis, différentes stratégies de recherche et de développement des médicaments à partir de plantes médicinales ont été menées à travers le monde. C’est ainsi que l’OMS a recensé des recettes traditionnelles de contraception en fonction de leurs indications et le moment de leurs utilisations.

Une thèse réalisée par Traoré Bibata Ballo dans le cadre de contribuer à la protection de la santé maternelle et infantile au Mali, a mis en évidence quatre (04) plantes utilisées dans la contraception traditionnelle. Appelées en Bambara Surkutomono, Zaba, Donotulu et Djoro, « ces plantes sont toutes riches en saponosides », explique la doctorante dans sa thèse intitulée « Étude phytochimique de quatre plantes médicinales utilisées dans la contraception au Mali ». Les travaux étaient dirigés par la Professeure Rokia Sanogo, Cheffe de Département médecine traditionnelle (DMT) de l’Institut National de Santé Publique (INSP). Les noms scientifiques de ces plantes sont respectivement: Ziziphus mucronata, Saba senegalensis, Vernonia nigritiana, et Securidaca longepedunculata.

Effet des saponosides dans la mobilité des spermatozoïdes

Dans un éjaculat, il y a à peu près 3 millilitres de sperme produit. Cela fait beaucoup de spermatozoïdes que l’on fabrique. Cependant il n’en faut qu’un seul pour qu’il y ait fécondation de l’ovule. « Les saponosides ou encore les saponines présentes dans les plantes ont un effet immobilisant des spermatozoïdes, les empêchant d’atteindre l’ovule » explique Dr Jallad Sonia dans son étude publiée dans le Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction. L’étude a portée sur des saponines extraites des feuilles de Cestrum parqui. Résultat : « cet extrait naturel possède une activité spermicide in vitro et peut donc remplacer le nonoxynol-9 dans les contraceptifs par voie vaginale » expose Jallad Sonia.

Par ailleurs, les saponines isolées de seize plantes indiennes ont montré une activité spermicide dans le sperme humain. L’activité spermicide s’est révélée être associée au type d’acide β-amyrine C-28 carboxylique des sapogénines liées à une séquence particulière de fragments de sucre.

« Généralement ces substances ne se trouvent pas dans la plante à l’état pur mais sous forme de complexe », explique Pr Rokia Sanogo. Doués de propriétés tensioactives, les saponosides provoquent, en solution aqueuse, la formation d’une mousse persistante et peuvent être utilisés comme détergent.

Ces quatre plantes sélectionnées…

L’Enquête Démographique de la Santé (EDSM 6) réalisée en 2018 montre une prévalence contraceptive de 15% pour les méthodes modernes contre 0,4% pour les méthodes traditionnelles. Et, les méthodes contraceptives modernes les plus utilisées sont les implants et les injectables.

« Même si la contraception moderne est efficace, elle se heurte souvent à une barrière culturelle », argumente Pr Rokia Sanogo. Il est important d’avoir les informations nécessaires, ajoute-t-elle, auprès de nos populations rurales, d’instaurer un dialogue pour une meilleure exploitation de la contraception traditionnelle pour le bien-être de nos populations surtout rurales.

Le Mali a une flore abondante, riche en espèces dont certaines sont toujours utilisées depuis toujours par nos ancêtres guérisseurs et les praticiens de la médecine traditionnelle.

  • Zizyphus mucronata

Au Mali, Zizyphus mucronata ou le Jujubier de l’hyène est assez commun et disséminé dans les savanes soudaniennes et sahelosoudaniennes, le long des berges des rivières. Riche en mucronine J, mucronine D et en abyssenine A, les racines du Jujubier de l’hyène sont utilisées comme diurétiques. Les racines associées à l’écorce traitent la lèpre, la syphilis et les maladies mentales. Les feuilles sont utilisées comme vermifuges, les fruits et graines pour traiter l’incontinence urinaire et la pulpe pour soigner la carie dentaire.

  • Saba senegalensis

Cette plante pousse autour des mares temporaires, dans les ravins et collines rocheuses. Dans la pharmacologie, les racines de Saba senegalensis sont utilisées pour le traitement de certaines douleurs notamment lors de l’accouchement et la stérilité féminine. Le fruit riche en vitamine C est parfois employé comme condiment pour relever le goût des sauces. Les écorces et les feuilles sont utilisées dans le traitement de la dysenterie. Et le latex est utilisé comme poison pour flèche.

  • Vernonia nigritiana Oliv et Hiern

L’extrait alcoolique de racine de Vernonia nigritiana en solution aqueuse, à la dose de quelques centigrammes paralyse chez la grenouille le membre siège de l’injection.  Avec une dose plus forte, le cœur cesse de battre. Les guérisseurs de Lassa au Mali, utilisent le décocté de Vernonia nigritiana pour faire avorter les femmes enceintes. Vernonia nigritiana contient de l’huile essentielle et 18% d’insaponifiable.

  • Securidaca longepedunculata fres

Le Securidaca longepedunculata Fres se rencontre dans le Sud-ouest et à l’Est du Mali. La plante possède des activités anti-inflammatoires, analgésique et anticonvulsante, antifibrosant, hépatoprotecteur. L’efficacité est attribuée à la sénégénine facilement transformable en sénégénate de magnésium. Le Sénégénate de magnésium a fait la preuve de son effet antifibrosant, in vitro et in vivo : il constitue en particulier un bon traitement de fond de la splénomégalie myéloïde. Puissant antivenimeux vis-à-vis des morsures de serpents, les racines de Securidaca sont très riches en stéroïdes.

« Les secrets de préparations de ces plantes sont parfois difficiles à obtenir. »| Pr Mamadou Koumaré

Quelles parties de ces plantes sont utilisées dans la contraception ?

Aux dires de l’ancien Conseiller Régional au Bureau de l’OMS/Afrique, chargé des technologies sanitaires modernes et traditionnelles, le Pr Mamadou Koumaré, Président de la Société Malienne de Phytothérapie, « Les secrets de préparations de ces plantes sont parfois difficiles à obtenir. » Mais l’efficacité des préparations dépend, en effet, des parties de la plante, de la période, du lieu de récolte et surtout de la forme pharmaceutique (galénique) orale pour la meilleure disponibilité dans l’organisme.

En dehors du Securidaga dont seulement les racines sont exploitées dans la contraception, les parties utilisées pour les trois autres plantes sont : l’écorce, les feuilles, les fleurs et les fruits.


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Mardochée BOLI | JSTM.ORG

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