Réactiver de l’hémoglobine foetale avec CRISPR-Cas9 pour traiter des maladies du sang

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Remplacer l’hémoglobine malade de patients béta-thalassémiques ou drépanocytaires par leur propre hémoglobine fœtale inutilisée après la naissance, c’est le principe d’une nouvelle technique récemment publiée et qui utilise CRISPR-Cas9.

Réactiver le gène de l’hémoglobine fœtale, inutilisé après la naissance, pour remplacer l’hémoglobine absente ou malformée des patients atteints de drépanocytose ou de béta-thalassémie. C’est ce qu’ont réussi à obtenir des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et de l’Université Paris Descartes au sein de l’Institut Imagine. Grâce à l’utilisation de CRISPR-Cas9, ils ont obtenu jusqu’à 60% d’hémoglobine fœtale sur des cellules souches humaines malades, selon une publication parue dans la revue Blood.

La béta thalassémie et la drépanocytose sont des maladies génétiques touchant les globules rouges de millions de personnes dans le monde. Elles sont dues à une altération du gène de l’hémoglobine (chargée de transporter l’oxygène dans le sang), et en particulier d’un de ses composant : la globine-β (prononcer « globine béta »). Chez les malades, cette dernière est soit absente, comme dans la béta-thalassémie, soit malformée, comme dans la drépanocytose – maladie donnant aux globules rouges une forme de faucille bien connue. Le seul traitement est la greffe de moelle osseuse avec des cellules souches saines, mais les donneurs sont rares et réservés aux malades les plus atteints. La plupart des patients sont donc soumis à des transfusions mensuelles, contraignantes et nécessitant des traitements médicamenteux pour en gérer les effets secondaires.

Récemment, d’autres chercheurs de l’Institut Imagine et de l’AP-HP, dirigés par le Pr Marina Cavazzana, ont réussi à guérir des patients atteints de béta-thalassémie en leur greffant leurs propres cellules souches (autogreffe) après avoir été « génétiquement corrigées » en laboratoire en remplaçant le gène défaillant par un gène sain.

Activation de l’hémoglobine fœtale et suppression de l’hémoglobine défaillante par CRISPR-Cas9

Ces nouveaux travaux, qui cette fois concernent aussi les drépanocytaires en plus des béta-thalassémiques, prennent une autre direction : l’autogreffe se ferait avec des cellules dont on aurait non pas remplacé le gène défaillant, mais simplement réactivé un gène déjà présent : celui de la globine-γ (prononcer « globine gamma »), qui n’est exprimée que lors du développement fétal. A partir de cellules souches prélevées sur des malades, les chercheurs ont donc supprimé une séquence d’ADN qui réprimait le gène de la globine-γ ainsi qu’une partie du gène de la globine-β malade pour l’inactiver. Pour cela, ils ont utilisé les « ciseaux génétiques » CRISPR-Cas9. Résultat : l’hémoglobine contenue dans les globules rouges obtenus après maturation (un processus appelé « différenciation ») des cellules souches modifiées était à 60% de l’hémoglobine fétale. Un taux suffisant pour « envisager à l’avenir un protocole thérapeutique« , est-il expliqué dans un communiqué.

Une technique complémentaire et potentiellement moins coûteuse

En quoi cette approche est-elle intéressante par rapport à celle du Pr Cavazzana ? Une différence de budget déjà : l’approche de Marina Cavazzana nécessite l’usage d’un « vecteur », c’est-à-dire un virus (du type « lentivirus »). Ce dernier est génétiquement modifié pour qu’il intègre l’ADN choisi à la place de son ADN viral dans les cellules cibles. Or, « la production de lentivirus coûte très cher« , explique le Dr Annamarita Miccio, qui a dirigé les recherches sur l’hémoglobine fœtale. D’après elle, « une stratégie potentiellement non virale pourrait être moins coûteuse et abordable pour le système de santé« . En termes d’efficacité, elle admet volontiers que « l’approche basée sur le lentivirus utilisée par le professeur Cavazzana est la meilleure stratégie thérapeutique actuellement disponible pour la béta-thalassémie et la drépanocytose« . Cependant, cette approche « ne traite pas efficacement » les béta-thalassémiques les plus sévères et « n’a pas fonctionné chez 7 autres patients traités avec le même vecteur aux États-Unis« . D’autres techniques, telles que celle de l’hémoglobine fœtale, pourraient être une alternative « Il y a tellement de patients qu’il est important d’avoir plusieurs approches thérapeutiques, à condition qu’elles soient d’efficacité équivalente », conclut finalement le Dr Annamarita Miccio.

 sciencesetavenir.fr

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