Tidiani Togola, Directeur exécutif de Tuwindi

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L’environnement technologique au Mali est très cacophonique

Travaillant depuis plusieurs années sur les questions technologiques au Mali et en Afrique, Tidiani Togola note une cacophonie dans l’espace technologique malien. Il propose une organisation du secteur et demande l’accompagnement des jeunes porteurs de projets sur les technologies. 

Que pensez-vous du secteur des TIC au Mali ? 

D’une manière générale, on peut dire que ça bouge véritablement fort. Mais cette expansion et cette pénétration technologiques au Mali sont majoritairement  importées. Les secteurs de pointe sont malheureusement inexploités. Dans le secteur des logiciels, la plupart de ceux que nous utilisons  sont soit faits par des Indiens, des Américains…

Deuxième chose : les compétences. On manque sérieusement de compétences parce que les écoles qui forment en informatique n’enseignent pas en profondeur l’informatique de pointe. Ainsi, les gens qui finissent leurs études ne sont pas dans l’informatique de pointe. Les écoles ne sont pas suffisamment équipées pour la grande majorité. Donc, il y a le défi de la technologie en soi, le défi de la formation en technologie, le coût d’accès aux technologies. C’est vrai qu’Internet existe mais on ne produit pas et le peu qu’on consomme se trouve à l’extérieur. Donc, le coût de l’Internet devient cher.

Enfin, l’environnement technologique au Mali est très cacophonique. Il y a le besoin d’organiser le secteur, le besoin d’incubation et le besoin d’accompagnement des jeunes voulant évoluer dans les technologies».

Le Mali n’est-il pas en retard par rapport aux autres pays africains en matière de technologies ? 

Le Mali est vraiment et réellement en retard.  La Côte d’Ivoire devance de loin le Mali en termes d’accès à l’Internet même si elle dispose de la mer. Mais, l’Ethiopie est un pays continental comme le Mali mais elle a misé sur la formation en mettant en place des infrastructures technologiques extraordinaires. Le Sénégal a mis tout pour le tout parce qu’il a tout certainement cru aux technologies. Ce pays a mis en place par exemple son propre système de bourse agricole. Il y a beaucoup d’initiatives portées sur les technologies dans ce pays.

Que faut-il aujourd’hui pour promouvoir davantage l’utilisation des technologies au Mali ? 

Il faut une volonté politique active c’est-à-dire les décisions politiques prises ne doivent pas rester dans les papiers. Qu’elles soient portées par les premiers responsables du pays. Il faut que les dirigeants donnent la priorité à l’excellence. Je fais partie des gens qui croient que tout le monde est intelligent. Aujourd’hui, il faut juste savoir accompagner les jeunes. Selon moi, c’est cela le premier défi.

Le second défi est la formation. Il faut promouvoir des enseignements poussés qui amènent les gens et surtout les jeunes à porter de vrais projets. Que ces projets au sein des universités puissent sortir des écoles et entrer en industrie. Ils peuvent entraîner des transformations économiques en créant beaucoup d’emplois. Quand on forme bien, il faut aussi accompagner surtout l’accompagnement financier. C’est important que les banques s’ouvrent aux porteurs de projets. Egalement, il faut mettre en place des fonds de garantie. L’Etat doit s’y engager en mettant ces fonds de garantie pour permettre aux jeunes d’innover. La synergie est la chose qu’il faut avoir. Au Mali, plusieurs jeunes ont pratiquement les mêmes idées mais ils ne savent pas travailler ensemble. S’ils travaillent ensemble, ils peuvent changer le monde. Donc, au lieu de s’accrocher aux multinationales, pourquoi on ne peut pas fabriquer nous-mêmes des multinationales.

Pourquoi le nom « Tuwindi » ? 

« Tuwindi » est un mot sarakolé qui signifie informer, faire savoir. Au moment de créer Tuwindi, je voulais avoir un nom qui renvoie au savoir. La racine « Tu » chez les Soninké renvoie au savoir. Je pense que nous devons utiliser nos savoirs pour opérer la transformation. Il ne suffit pas juste de savoir pour faire connaitre à d’autres. Le travail de Tuwindi va dans ce sens. C’est l’industrie du savoir qui utilise les technologies de l’information et de la communication pour appuyer le développement économique et social en Afrique parce que les problèmes sont un peu similaires notamment dans la zone ouest-africaine.

Que fait Tuwindi au Mali?

Elle intervient dans les secteurs de la gouvernance et de la démocratie. Nous sommes surs d’une chose : pour construire un Etat fort, il faut construire une démocratie meilleure. Il faut que tous les acteurs travaillent ensemble. Cela est notre théorie de base. C’est pourquoi on travaille avec les médias, le gouvernement, les partis politiques et la société civile. Dans ce cas, nous avons initié le Forum malien des médias et de la société civile, un espace d’échanges entre les acteurs des médias et de la société civile qui sont deux composantes majeures pour accompagner l’émergence démocratique au Mali en échangeant leurs expertises. Tuwindi est spécialisé dans les élections.

Nous avons aussi l’initiative « Democracy Tech Squad », un réseau de volontaires qui utilise les technologies de l’information et de la communication pour la dynamique de mouvement de l’ensemble d’activistes pour propulser le changement à travers des débats en ligne, des échanges de technologies et des rencontres.

La Fondation Tuwindi travaille aussi sur le monitoring de l’action gouvernementale et parlementaire à travers la plateforme Xensa. Cela permet de regarder l’action gouvernementale et parlementaire à savoir ce que le gouvernement et les parlementaires ont fait et dit. Sur la même plateforme, on a « le Veritomètre » qui sert à contrôler le discours, savoir si quelqu’un dit la vérité ou ment,  ou s’il tient des propos dangereux. Le « Veritomètre » ne s’applique pas seulement aux seuls gouvernants mais aussi aux organes de presse, aux religieux, à tout le monde. Pour le faire, on écoute la radio, on lit la presse, on suit certaines personnalités dont le discours est très et vite écouté, on regarde les déclarations. En cas de polémique autour d’un discours, on vérifie.

La Fondation Tuwindi travaille aussi avec les différentes mairies en leur offrant des plateformes web pour permettre aux populations de réagir avec leurs dirigeants. Ces plateformes permettent entre autres aux populations de connaitre le budget de la mairie.

Sékouba Konaré, Journaliste scientifique

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