Mopti: une déscolarisée qui ne désespère pas

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Yédou Guindo est une femme déscolarisée depuis plus de huit ans. Issue d’une famille de six enfants dont quatre garçons et deux filles, Yédou a déposé le stylo à la classe de la 6ème année suite aux ordres de son père.

« Depuis que j’ai quitté l’école, je fais la lessive pour gagner ma vie », raconte Yédou. Ce samedi matin, dans une maison de couleur jaunâtre dans le quartier  au village CAN de Sévaré, cette lavandière s’installe sous le soleil et essaie de se faire place entre ses vieilles baignoires. Courte de taille, teint noir,  tapettes roses déchirées, Yédou Guindo, 25 ans explique d’un ton triste : « Mon papa m’a  annoncé ce jour  qu’on ne pouvait tous pas rester à l’école ». 

Actuellement mariée et mère de deux garçons, Yédou a quitté l’école avec sa petite sœur parce que ses quatre autres frères étaient aussi à l’école. « Il fallait qu’un choix se fasse et mon papa a ordonné que ma  petite sœur et moi  abandonnent les études pour nous marier deux ans plus tard », se confie-t-elle dans une voix désolante.

Native du village de Diougané dans le cercle de Koro en cinquième région du Mali, leur école est la seule dans le village jusqu’à ce jour.  Yédou voit son rêve (devenir une sage-femme) partir en fumée. « Mais ce qui me soulagée dans tout ça, c’est que j’étais parmi les 5 premiers de la classe et que je peux écrire toujours et envoyer des messages à qui je veux », sourit-elle en prenant un sceau devant la porte. « Nous étions une dizaine de filles qui partaient ensemble à l’école, mais j’en connais seulement deux qui sont parvenues à continuer leurs  études », ajoute-elle.

Désormais, Yédou consacre son temps à la lessive. « Je gagne  environ 60 000 FCFA par mois », livre-t-elle. « Je  partage  la moitié de cet argent  entre mes habits et ceux de mes enfants, et je réserve  l’autre moitié sur moi jusqu’à mon retour au village ».  Deux heures suffisent à Yédou pour finir avec les habits d’un client.

A son côté gauche, beaucoup d’habits sont entassés sur le sol. Des savons et l’eau de javel sont sur une chaise de l’autre côté. Accompagnée d’une amie avec laquelle elle partage le métier, Yédou passe devant chaque maison pour chercher des habits à laver dans son quartier tous les jours. « Je ne manque surtout pas de client actuellement », explique-t-elle en lâchant un sourire. Chanceuse est Yédou, elle ne paie ni le loyer, ni la nourriture. « Je vis chez mon grand frère qui travaille ici à Mopti », poursuit-elle. « Une fois retournée au village, je vais aller vendre des beignets pour subvenir à mes besoins », informe Yédou.

 « Je demande à toutes ces filles qui n’ont pas pu continuer leurs études…»

Malgré le rêve brisé, Yédou ne désespère pas et compte reprendre les études si elles trouvent les moyens. « Je compte également mettre mes enfants à l’école et  les maintenir une fois qu’ils atteignent l’âge de la scolarité.  Je demande à toutes ces filles qui n’ont pas pu continuer leurs études de ne pas désespérer et essayer de faire quelques chose pour soi », conclut Yédou Guindo.

Hadjiratou Maïga

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